Wallonie

Groupement d’employeurs : une formule plus attractive

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Engager un infographiste, une secrétaire ou un responsable qualité pour un jour par semaine ; fidéliser ses meilleurs travailleurs saisonniers afin de les retrouver, chaque année, formés aux outils et processus de l’entreprise : nombre d’employeurs y aspirent mais comment faire ? Une solution existe: les Groupements d’employeurs. Initié voici une dizaine d’années, ce dispositif légal permet à des entreprises de se regrouper pour engager ensemble un collaborateur, partageant ainsi son temps de travail et son salaire.
En dépit de son intérêt, le système des groupements d’employeurs n’avait pas encore rencontré le succès escompté dans notre pays. Afin de booster ce dispositif, le gouvernement a adopté, au mois de mai dernier, un projet de loi élargissant la formule et assouplissant certaines conditions.

Ce qui a changé

François Hurdebise-2

François Hurdebise, responsable du projet Groupement d’employeurs à la CCI Liège-Verviers Namur.

«Le premier changement introduit par le législateur est que le travailleur engagé par un groupement ne doit plus obligatoirement être un demandeur d’emploi inoccupé de longue durée, explique François Hurdebise, responsable du projet Groupement d’employeurs à la CCI Liège-Verviers Namur.  Le dispositif est désormais accessible à tous les profils, plus seulement aux travailleurs peu qualifiés et/ou difficiles à placer. Cela permettra aux sociétés de disposer de collaborateurs plus compétents et d’ainsi améliorer le service du groupement.» Autre changement majeur : le contrat établi entre l’entreprise et le travailleur ne doit plus nécessairement être à temps plein et à durée indéterminée. « En effet, celui-ci peut à présent être conclu pour une durée déterminée ou pour un travail clairement défini. Il peut, par ailleurs, être établi à temps partiel pour autant qu’il prévoit un minimum de 19 heures de travail par semaine.»  Enfin, la loi imposait que le groupement d’employeurs ait la forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE), une forme de société spécifique au même titre que la SA ou la SPRL. « Les entreprises ont désormais la possibilité de constituer un groupement d’employeurs également sous la forme d’une ASBL

Un arrêté royal du 8 juillet 2014 a fixé rétroactivement l’entrée en vigueur de cet élargissement au 1er février 2014. Répondant à une forte demande du terrain, cette réforme pourrait bien favoriser l’éclosion des groupements : « Par le passé, l’obligation d’atteindre un temps plein nous a empêchés de concrétiser de nombreux noyaux, poursuit François Hurdebise. A titre d’exemple, 3 entreprises nous sollicitaient pour l’engagement d’un DRH. En combinant leurs besoins, nous arrivions à une occupation de 4 jours par semaine. Le temps de trouver une 5ème société, une des entreprises initialement intéressée se désistait et tout le noyau tombait à l’eau. Nous pourrons désormais aller beaucoup plus vite dans la constitution des grappes.»

Dans la pratique

Convaincues de la valeur-ajoutée de la formule, la CCI Liège-Verviers-Namur (aujourd’hui rejointe par les autres CCI wallonnes) a créé, en 2008, le groupement d’employeurs JobArdent. Pour les entreprises intéressées, les démarches à accomplir son extrêmement simples :

  • La CCI enregistre les demandes d’engagement à temps partiel des entreprises en vue de constituer des noyaux de sociétés désireuses de partager une même compétence.
  • Dès qu’un groupe est constitué, une réunion est organisée afin que les entreprises se mettent d’accord sur les modalités d’engagement (conditions salariales, temps d’occupation,…)
  • Lorsque ces modalités sont arrêtées, les entreprises créent un Groupement d’employeurs ou rejoignent, pour plus de facilités, un groupement existant tel que JobArdent.
  • Le GIE/l’ASBL engage le travailleur préalablement sélectionné par les entreprises et le met à leur disposition aux conditions convenues.
  • Chaque mois, le GIE/l’ASBL établit une facture à destination des utilisateurs en fonction des volumes de travail consommés.

Principaux avantages

Levier de flexibilité pour les entreprises et opportunité pour l’emploi, le dispositif des groupements d’employeurs revêt de nombreux avantages :

  • Adaptation : le temps de travail est en permanence calqué sur les besoins de l’entreprise
  • Fidélisation et rentabilité : en proposant au travailleur un contrat stable, le groupement lui ouvre les perspectives liées à un CDI (ex. contracter un prêt) et peut, par conséquent, plus facilement le fidéliser. Une fidélisation permettant à l’entreprise de rentabiliser le processus de  recrutement et la formation du collaborateur.
  • Simplicité administrative : tous les aspects liés à la gestion administrative du travailleur sont pris en charge par la CCI. L’entreprise doit simplement s’acquitter d’une facture mensuelle et réaliser une évaluation annuelle du collaborateur.
  • Recrutement facilité : la CCI accomplit un travail de pré-sélection afin de fournir une liste des meilleurs candidats aux entreprises utilisatrices.
  • Flexibilité : il n’est pas rare, au sein du groupement, que des entreprises s’échangent des jours d’occupation d’un travailleur en fonction de leur charge de travail.
  • Aides à l’emploi : les entreprises utilisatrices bénéficient, pour autant qu’elles y aient droit, des avantages d’une aide à l’emploi au prorata de leur occupation.
  • Efficacité : évoluant dans plusieurs sociétés, le travailleur diversifie ses compétences et devient très polyvalent. Une expérience qu’il peut mettre au service de chaque entreprise composant le noyau.

Le point de vue des employeurs

  • Société : Lampiris
  • Collaborateur : Renaud, infographiste

«Cela fait plus de 5 ans que nous recourons au dispositif des groupements d’employeurs, note Isabelle Lavergne, DRH. Lorsque nous avons engagé Renaud, Lampiris n’avait  pas encore l’envergure qui est la sienne aujourd’hui. Employer un graphiste à temps plein n’était alors pas de l’ordre du raisonnable. Depuis lors, la société a bien grandi mais nous sommes restés fidèles à la formule…et à Renaud que nous considérons comme un « Lampirisien » à part entière. L’organisation des semaines de travail ou des jours de congé n’a jamais été problématique. Une certaine flexibilité existe avec les autres entreprises du groupement et une solution finit toujours par être trouvée. Sur le plan administratif, nous devons juste traiter une facture mensuelle et assurer une évaluation annuelle. Rien de conséquent donc !   C’est une formule bien rôdée.»

  • Société : Pauly Andrianne
  • Collaborateur : Renaud, infographiste

«Durant des années, nous avons eu l’habitude de confier notre communication externe  à des sociétés de pub, explique Joël Filot, gérant. Mais bien souvent, la facture finale s’avérait un peu salée… En effectuant une simulation financière, nous nous sommes rendu compte que le dispositif des groupements d’employeurs serait plus avantageux. C’est ainsi que Renaud a rejoint l’équipe. Nous lui confions des projets à moyen terme (ex. amélioration de notre référencement, refonte de notre site web,…) ou des tâches pouvant être effectuées en quelques heures (ex. conception d’un mail que nous enverrons pour les fêtes de fin d’année). Pour autant, nous n’avons pas entièrement renoncé aux services d’entreprises spécialisées. Ainsi, voici quelques mois, nous avons repris une société active dans la fabrication d’engrais. Cela impliquait de concevoir rapidement un nouveau logo, créer une identité visuelle, un nouvel étiquetage,… Le travail était trop conséquent que pour permettre à Renaud de se montrer réactif. Nous nous sommes donc tournés vers un sous-traitant. En termes de gestion administrative, nous avons simplement à payer la facture que le groupement nous envoie chaque mois : difficile de faire plus simple ! La formule, enfin, offre une certaine flexibilité puisqu’il arrive que Renaud permute ses jours de travail en fonction des besoins de ses 5 employeurs.»

  • Société : Trame
  • Collaborateur : Paola, assistante en secrétariat

«Notre bureau d’études compte 7 associés et 4 collaborateurs. Voici 4 ans, nous n’avions pas suffisamment de travail pour engager une 2ème secrétaire mais avions un volume d’activité qui exigeait néanmoins une assistance, souligne Cécile Schalenbourg, administratrice. C’est ainsi que nous avons accueilli Paola au sein de l’équipe. Bien qu’elle ne vienne qu’un jour par semaine, elle connaît très bien la société et prend en charge des tâches très variées (classement, encodage, organisation d’événements, accueil lors de manifestations,…)  De par sa simplicité administrative, la formule du groupement d’employeurs nous convient tout à fait. En adhérant à JobArdent (ndlr : le groupement d’employeurs créé par les CCI), nous avons par ailleurs eu la possibilité de bénéficier ponctuellement des services d’un graphiste temporairement inoccupé par son pool d’employeurs. »

  •  Société : Herve Société
  • Collaborateur : Raza, infographiste

«Au départ, nous avions décidé de remanier notre site internet, relate Francis Bebronne, responsable marketing. Le prix demandé par les agences correspondait au coût d’un collaborateur  travaillant chez nous, un jour par  semaine, durant un an. Fort de ce calcul, nous avons décidé de tester la formule. Après 4 mois, notre infographiste avait fini notre site. Il se consacre depuis lors à améliorer notre présence sur les réseaux sociaux, à produire du contenu pour le site,…Sans le groupement, nous n’aurions pu nous offrir ses compétences faute de travail suffisant. Le système demande bien évidemment un peu d’organisation. Nous savons ainsi que nous ne pouvons pas lui demander la réalisation d’une tâche pour le lendemain. Convaincus par la formule, nous avons décidé d’engager un responsable IT 2 jours par semaine via le même système.»

Agence de communication VS Groupement d’employeurs ?
Certaines agences de communication ont vu d’un mauvais œil la promotion des groupements d’employeurs par les Chambres de Commerce.  Voyant des infographistes ainsi mis à disposition d’entreprises potentiellement clientes, ces sociétés avaient le sentiment de se faire voler le pain de la bouche. « Face à ces critiques,  nous rétorquons deux arguments, explique François Hurdebise. D’une part, des agences de communication elles-mêmes nous ont contactés afin de nous signaler qu’un infographiste du groupement pourrait servir de renfort à leur équipe. D’autre part, nous avons  constaté que des entreprises qui faisaient appel au groupement pour un infographiste étaient davantage enclines, par la suite, à faire appel à une agence de communication. Pourquoi ? Car en recrutant un infographiste, elles s’étaient mieux rendue compte des enjeux liés à leur communication. Elles n’étaient dès lors plus hésitantes à engager des budgets en la matière et ainsi faire appel à des agences spécialisées.

Tremplin vers un temps plein

Pour les entreprises comme pour les collaborateurs, le groupement d’employeurs peut également prendre la forme d’un tremplin vers un emploi à plein temps. « Des sociétés qui ont fait appel à cette formule ont ainsi pu grandir grâce à elle », souligne François Hurdebise.

Administrateur de la firme Socabelec, Marco Veri a effectué cette transition : « Durant tout un temps, j’ai partagé un acheteur à mi-temps avec une autre société. A l’époque, je ne disposais pas d’une charge de travail suffisante pour occuper une personne à temps plein mais souhaitait néanmoins disposer de quelqu’un qui se dédicace entièrement à cette tâche et inscrive son travail dans la durée. En accord avec l’autre employeur, nous avons convenu d’instaurer une certaine flexibilité dans le système : si l’un avait une activité plus soutenue, il pouvait davantage faire appel à notre collaborateur pour autant que celui-ci passe au moins un jour par semaine dans chaque entreprise. Un jour, ses besoins ayant changé, l’autre employeur a décidé de se retirer du groupement. Appréciant véritablement le travail de notre acheteur et son implication, nous avons décidé de lui proposer un emploi à temps plein.»

Plus d’infos : François Hurdebise – Tel : 04/341.91.75 – GSM : 0494/12.85.49 – fh@ccilvn.be

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Publication par communiqué de presse.
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