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Musimap, la start-up belge qui va faire valser la Silicon Valley

6 Minute(s) de lecture

Musimap est une start-up belge spécialisée dans la recommandation musicale: son algorithme pionnier modélise le fonctionnement du cerveau et des émotions humaines et plonge dans une base de données de plus de 50 millions de morceaux musicaux connectant 11.000 mots-clés, 1.500 genres et sous-genres avec 390 types d’humeurs et plus de 100 contextes pour une recommandation à la pertinence jamais encore approchée. Interview de son CEO, Vincent Favrat.

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Vincent Favrat

Comment l’aventure Musimap a-t-elle démarré ?
Eh bien, tout a commencé avec Pierre Lebecque qui est un sociologiste, musicologue et musicothérapeute liégeois. Pour moi, il s’agit d’un esprit créatif exceptionnel, d’un chercheur suffisamment pugnace et passionné pour sortir des sentiers battus, mener son équipe vers des innovations majeures et qui donne vie à un projet portant un réel potentiel de rupture technologique.
En avance sur son temps, Pierre a anticipé un des plus grands défis d’aujourd’hui – la gestion de l’abondance de produits culturels mis à la disposition des consommateurs : comment pouvons-nous réussir à naviguer dans un océan infini de choix avec près des millions de titres / livre / film disponibles en un clic? Quels sont les bons outils technologiques pour faciliter cette navigation et permettre de trouver son chemin parmi cette multitude de contenus ? Comment une recommandation précise et pertinente peut-elle être réalisée, en fonction de ce que nous sommes réellement (personnalité et humeurs) et de l’environnement dans lequel nous évoluons (approche contextuelle)?
Pierre a publié sa thèse de doctorat intitulée « The World is a Mix » (« le monde est un mélange ») en 1991 – soit l’année où le World Wide Web est née – et peu de temps après, il a commencé à s’interroger sur les moyens possibles pour créer des systèmes digitaux de recommandations personnalisées. La conclusion de Pierre est que, pour répondre à un tel besoin, il faut une technologie performante des processus cognitifs complexes et qui tiennent compte des émotions, des influences et des relations. Et ce concept est au cœur de la technologie de Musimap. À terme, celle-ci vise à renforcer la découverte et la navigation musicale.

La colonne vertébrale de Musimap repose donc sur une recherche sur la musique contemporaine et l’histoire de la musique, c’est bien cela ?
Pierre et son équipe se sont demandés quels étaient les morceaux et les artistes les plus influents dans l’histoire de la musique et ont conduit une recherche interdisciplinaire avec 60 spécialistes de références provenant de différents domaines, notamment Karl Bartos de Kraftwerk, Gilles Peterson connu pour Worldwide, le musicologue Joseph Kerman ou encore le neuroscientifique Daniel Levitin. Ces experts en musicologie, sociologie, psychologie et lexicologie ont analysé manuellement un million de morceaux, en appliquant 55 paramètres pondérés à chaque titre afin de modéliser la discothèque mondiale en un système à couches multiples d’influences croisées. En termes techniques, nous parlons d’une taxonomie musicale pondérée dans lesquels chaque unité musicale est positionnée par rapport aux autres dans un système informatique cognitif. Autrement dit, c’est une cartographie complexe et approfondie de l’histoire de la musique du monde dans laquelle chaque relation et influence est pondérée.

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Pierre Lebecque

Pouvez-vous expliquer comment la technologie de Musimap fonctionne ?
Musimap émule les interactions complexes que le cerveau et le corps humain entretiennent avec la musique. Notre algorithme est sensible aux émotions et en cela il ressent, raisonne et répond à la musique tels que les humains le font. Nous avons développé une technologique cognitive informatique ancrée dans une approche socio-psychologique et musicologique, par opposition à une simple extraction de données ou à une approche limitée à l’analyse de signaux électroacoustiques. En fait, pour décoder l’ADN de la musique, il est nécessaire de prendre en considération l’ensemble de la palette des émotions humaines, ce que nous avons fini par faire en utilisant 390 humeurs complexes, bien au-delà des 5 ou 6 humeurs que la plupart des technologies d’analyse de signal arrivent à proposer. Il est nécessaire aussi de comprendre l’état d’esprit de chaque auditeur dans son environnement particulier. Nous travaillons avec plus de 100 situations d’écoute afin de réaliser cela. En d’autres termes, il est nécessaire de remettre des critères émanant des sciences moles dans l’équation afin d’effectuer une recommandation musicale sensible aux émotions et au conexte individuel et ainsi, de relever le défi complexe de la découverte musicale.

Avez-vous développé votre propre base de données ou est-ce que vous utilisez exclusivement des métadonnées externes ?
Nous enrichissons notre taxonomie musicale avec toutes les informations disponibles sur internet par le biais d’extraction de données. Nous analysons ces données, les filtrons, les traduisons dans notre propre lexicologie et ajoutons des composantes supplémentaires, notamment des descripteurs émotionnels. Puis nous corrélons toutes les unités musicales entre elles pour former un système d’influences croisées. Cela se traduit en une des bases de données musicales propriétaires les plus importantes au monde. Aujourd’hui, notre elle comprend déjà 2 milliards d’informations, 750 millions de relations, 50 millions de morceaux, 4 millions d’artistes, 11 mille mots-clés et 1500 sous-genres. Et cela ne va cesser d’augmenter.

Etant donné que le projet à débuter dans les années nonante, comment l’entreprise a-t-elle financé son développement?
Dans le passé, 2.2 millions d’euros ont été investis dans la R&D (Séries A). En 2014, de nouveaux partenaires stratégiques ont rejoint Musimap, aidant à clarifier le positionnement de l’entreprise sur sa principale expertise : sa technologie. Ils ont mené une levée de capitaux supplémentaires afin de permettre à Musimap de finaliser ses APIs et d’entrer sur le marché avec un positionnement B2B et B2B2C. Musimap est aujourd’hui une SA (Société Anonyme) dont le siège social est situé en Belgique, avec des APIs commercialisables et une base de données qui augmente constamment.

Quels ont été les plus grands changements dans l’histoire du projet et ses plus grands défis ?
Nous nous sommes efforcés de rester focalisé sur notre technologie et avons essayer d’éviter de participer à la création de nombreuses interfaces envisageables grâce à notre technologie. En 2011, par exemple, nous avions terminé la version Beta d’une plateforme interactive de musique en ligne  destinée à la découverte musicale. Nous n’avons pas réussi à entrer sur le marché de la musique en ligne car le langage de programmation que nous utilisions n’était pas assez réactif pour travailler de manière optimale avec notre vaste base de données. Bien que cela fût plutôt frustrant, nous avons réalisé que nos ressources étaient limitées et que nous devions nous concentrer sur ce que nous faisions de mieux – la recommandation musicale personnalisée. Cela a donc été une expérience enrichissante, au sens figuré …

Où voyez-vous Musimap dans cinq ans ?
Cinq ans, c’est loin. À l’avenir, nous pourrions nous associer avec des entreprises de plus grande taille pour diffuser nos technologies à un large public, par différent canaux, ce qui a toujours été l’objectif à long-terme de Pierre Lebecque. Par exemple, comme mentionné plus tôt, Spotify a acquis l’entreprise américaine d’intelligence musicale The Echo Nest en mars 2014. Je vois en quelque sorte Musimap comme une réponse européenne à The Echo Nest, avec une approche plus interdisciplinaire et une pertinence émotionnelle comme facteur clé de différentiation. Nous pourrions chercher une synergie avec un grand groupe.
Entre-temps, nous resterons concentrés sur l’amélioration de notre technologie cognitive musicale et la mise à disposition de dispositifs innovants de découverte et de navigation musicale. Nous sommes convaincus qu’une technologie musicale intégrée est beaucoup plus que la somme de ses parties. Nous continuerons donc à ajouter des paramètres pondérés complémentaires à notre algorithme, à affiner les composantes technologiques existantes et à ajouter de nouvelles briques technologiques, en particulier en maitrisant d’avantages les données sensorielles et provenant de l’environnement contextuel.
Nous attendons d’offrir notre recommandation musicale personnalisée à des clients B2B qui utilisent la musique dans le cadre de leur offre, tels que les professionnels de l’audiovisuels, les plateformes de musique en ligne, les compagnies de télécommunications, les acteurs dans publicité, les espaces commerciaux, restaurants, les dispositifs connectés, ou même le secteur automobile. Prospectivement, en respectant la vision de notre fondateur, nous pourrions aussi explorer des applications potentielles de notre méthodologie à d’autres industries créatives et même à d’autres secteurs, et ainsi sortir partiellement du domaine musical, même si notre cœur y restera toujours. Nous souhaitons en ce sens explorer le principe de recommandation croisée entre différents secteurs (film, musique, jeux vidéos, livres, etc.).

 

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Publication par communiqué de presse.
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