Wallonie

L’aéronautique, une réussite du savoir-faire wallon

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Ingénieur civil électricien, Etienne Pourbaix dirige depuis 2012 Skywin. Dédié à l’industrie aérospatiale, ce pôle de compétitivité a pour mission de dynamiser et développer ce secteur porteur d’avenir.  Un grand défi pour cette structure de 6 collaborateurs dont les bureaux sont installés à Wavre, dans le même immeuble que l’Union Wallonne des Entreprises.

Un petit rappel, pour commencer, qu’est-ce que le pôle Skywin ?
E.P. : « Skywin est le pôle de l’industrie aéronautique et spatiale, un des fleurons de l’économie wallonne et un des principaux vecteurs de sa reconversion. Les secteurs aéronautique et spatial, principalement localisés à Liège, à Charleroi et dans la province de Luxembourg, sont les héritiers directs du savoir-faire ancestral des ingénieurs, ouvriers et artisans wallons dans le travail du métal, qui a fait la prospérité de la sidérurgie et de l’industrie mécanique au XXème siècle. 70 % des activités aéronautiques et spatiales belges se situent d’ailleurs en Wallonie. »

15.000 emploi et 1,6 milliard €

Skywin existe depuis plus d’une décennie. Avec quel bilan ?
E.P.  « Le pôle a été créé par le Gouvernement wallon en 2006, dans le cadre du Plan Marshall. Skywin regroupe aujourd’hui 152 membres représentant quelque 118 entreprises, dont plus de 70% sont des PME, ainsi que des centres de formation, des centres de recherche et des universités. Les membres de Skywin génèrent globalement un chiffre d’affaires de plus de 1,6 milliard €, dont plus de 90% à l’exportation, et procurent près de 7.300 emplois industriels directs, plus du double si on comptabilise les emplois indirects.
Le secteur aérospatial wallon a vu sa valeur ajoutée augmenter de plus de 70% depuis 2006 et le nombre d’emplois industriels a crû de plus de 10%.
L’industrie aéronautique représente à elle seule environ 80% de ces chiffres et est en croissance constante. Elle comprend plus de 90 entreprises, pour un chiffre d’affaires de 1.350 millions € et plus de 5.500 emplois industriels directs. Il faut savoir, par exemple, que les entreprises aéronautiques wallonnes fournissent plus de 5% des pièces des Airbus volant actuellement dans le monde. Comparé au nombre d’habitants, c’est plus que l’Allemagne ! »

Plusieurs leaders mondiaux en Wallonie

Parmi ces entreprises, il y a même plusieurs leaders mondiaux…
E.P. : « En effet ! Le dynamisme de l’industrie aéronautique wallonne est dû, entre autre, à plusieurs grandes entreprises dont certaines sont des leaders mondiaux en aviation civile, comme Safran Aero Boosters (le nouveau nom de Techspace Aero) à Herstal, qui fournit plus de 50% des premiers étages, le booster, des moteurs pour longs et moyens courriers, et la Sonaca à Gosselies, dont la grande spécialité sont les bords d’attaque d’aile. Le site de Gosselies de la Sabca, spécialisé dans la maintenance des avions militaires, joue, lui aussi, un rôle déterminant. »

Retrouve-t-on le même dynamisme dans le spatial ?
E.P. : « Le secteur spatial comprend plus de 30 entreprises, pour un chiffre d’affaires de 250 millions € et plus de 1.500 emplois industriels directs. Ce secteur est particulièrement actif dans les systèmes satellitaires, les senseurs, notamment optiques, les applications spatiales et les lanceurs, avec un leader mondial dans les systèmes de distribution d’énergie électrique pour les lanceurs Ariane, Thalès Alenia Space Belgium à Charleroi. »

Quel est le rôle exact d’un pôle comme Skywin ?
E.P. : « La mission de Skywin est de dynamiser et de développer ce secteur porteur d’avenir en réunissant tous les acteurs de la recherche, de l’industrie et de la formation et d’encourager l’innovation collaborative. Les projets d’innovation doivent en effet être portés par au moins quatre partenaires wallons, deux industriels et deux institutions de recherche. Ces projets doivent en outre proposer une véritable rupture technologique offrant de sérieuses perspectives industrielles à court ou moyen terme en Wallonie. Enfin, ces projets doivent correspondre à un des six axes stratégiques de Skywin qui ont été redéfinis en 2013, à savoir les matériaux composites, les alliages métalliques, les systèmes embarqués – y compris les charges utiles pour drones et l’électronique associée – les systèmes et applications à vocation spatiale et pour drones, la modélisation-simulation et les services aéroportuaires. »

73 projets labellisés en 10 ans 

Et ces projets ont été nombreux ?
E.P. : « Depuis sa création, et à raison de deux appels à projets par an, le pôle Skywin a labellisé 73 projets, tant dans l’aéronautique que dans le spatial. Pour être retenus, les projets doivent être approuvés par deux jurys internationaux : un jury d’experts techniques, choisis par le pôle, puis un jury constitué par le Gouvernement wallon, qui doit évaluer leur opportunité économique.
En dix ans, ce double jury a sélectionné 44 projets d’innovation collaborative, 19 projets d’investissements et 10 projets de formation. Le budget global s’élève à 228 millions € : 82 millions financés sur fonds propres par les entreprises, 81 millions de subventions publiques et 65 millions de subsides alloués aux universités et aux centres de recherche.
Les 44 projets d’innovation collaborative qui ont été labellisés représentent à eux seuls un budget global de plus de 183 millions €. Dans les premières années, la plupart des projets émanaient des grandes entreprises mais, signe d’un nouveau dynamisme industriel, dans les cinq dernières années, la moitié a été initiée par des PME. »

60 Airbus A320 par mois 

C’est plutôt encourageant pour le futur…
E.P. : L’avenir s’annonce prometteur mais les défis sont gigantesques, à commencer par le nombre d’avions à construire. Le carnet de commandes d’Airbus, par exemple, est plein pour les neuf prochaines années ! L’entreprise doit produire deux Airbus A320 par jour, 7 jours sur 7 ! Cela a des répercussions sur les cadences et les délais de fabrication chez tous les sous-traitants, dont un grand nombre de PME, notamment wallonnes. Sur les coûts aussi ! Quand un client commande un nombre important d’appareils, il bénéficie de réductions sur le prix de vente et cela se répercute à tous les niveaux de la production. Le degré d’exigences et de responsabilités imposé par Airbus à ses sous-traitants est aussi de plus en plus élevé.
Le secteur spatial, lui aussi, vit une mutation importante avec le passage d’une production essentiellement institutionnelle vers une exploitation commerciale privée de satellites de plus en plus petits – on parle aujourd’hui de nano-satellites – et de plus en plus nombreux au dessus de nos têtes.
Pour mieux encadrer les entreprises face à ces nouveaux challenges, Skywin a proposé à la Région de soutenir le plan MACH « d’aide à l’amélioration ». Skywin assure le financement d’un audit afin de déterminer les besoins et le Gouvernement wallon cofinance ce plan d’amélioration qui doit permettre aux entreprises de s’adapter aux nouvelles exigences du marché.»

Le Bourget

Ce marché, on l’a vu, se situe quasi exclusivement hors frontières. Pour l’exportation, le Salon du Bourget, qui s’est tenu au mois de juin, est évidemment un rendez-vous incontournable. Comment cela s’est-il passé pour les entreprises wallonnes ?
E.P. : « L’AWEX était le maître d’œuvre du pavillon belge et y « invitait » son alter ego flamand, le FIT, Flanders Investment & Trade, qui, lui, gère la participation au Salon de Farnborough. Cette année, 47 sociétés wallonnes et 30 flamandes étaient présentes, un nouveau record ! Les résultats sont plus qu’encourageants. Les entreprises présentes ont pu nouer d’excellentes relations, en particulier avec des partenaires allemands, américains, polonais et russes. Une délégation russe, très intéresse par le savoir-faire wallon dans le domaine spatial, a visité, fin novembre, plusieurs sociétés en région liégeoise. »

On parle beaucoup actuellement de l’avion moyen courrier chinois COMAC C-919. Les entreprises wallonnes peuvent-elles y trouver de nouvelles opportunités ?
E.P. :  « Tout à fait. Les moteurs de l’avion chinois sont des moteurs occidentaux et Safran Aero Boosters participent à leur production, comme c’est le cas pour les Airbus et les Boeing. De plus, si la structure de l’avion est chinoise, il faut savoir que la Sonaca est directement impliquée via l’usine qu’elle a construite en Chine et qui, pour certaines pièces détachées, est approvisionnée par Gosselies. »

Quel est l’avenir de Skywin. On sait que le nouveau ministre wallon de l’économie s’interroge à propos du plan Marshall.
E.P. : « Skywin poursuivra son action. En 2018, je peux déjà vous dire que nous serons présents dans plusieurs salons internationaux à Berlin, à Singapour, au Québec et, bien sûr, à Farnborough. Début décembre, dans le cadre d’un projet européen, Skywin, avec plusieurs autres clusters européens, s’est rendu en mission au Brésil où l’industrie aéronautique est très développée avec, notamment, l’entreprise Embraer. Le ministre Jeholet a l’intention de revoir certains aspects du plan Marshall, notamment en matière de formation et de soutien aux PME mais pour les pôles de compétitivité, dont la plupart des observateurs louent les effets positifs en matière de mise en réseau, d’innovation et d’internationalisation, ils seront maintenus, j’en suis convaincu. »

Bio Express

  • Etienne Pourbaix, marié, 55 ans
  • Ingénieur civil électricien, option télécommunications (UCL)
  • Diplôme en administration des entreprises (UCL)
  • Diplôme spécial de management avancé (ICHEC Bruxelles)
  • Carrière industrielle chez Alcatel-Bell, de 1987 à 1998 et chez Thalès, de 1998 à 2011

 

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