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Arabelle Meirlaen : la cuisine émotionnelle

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ARABELLE MEIRLAEN 3Première femme nommée « chef de l’année » par Gault & Millau, Arabelle Meirlaen fut aussi, durant plusieurs années, la seule étoilée du pays. Un succès qui n’a jamais grisé celle qui, au quotidien, jongle avec les plantes et aromates pour composer ses assiettes. Rencontre avec un personnage authentique qui a fait de sa cuisine sa philosophie.

Dans les assiettes d’Arabelle Meirlaen, les couleurs explosent, les volumes s’opposent et les textures se révèlent. Des créations gustatives dont la patte esthétique surprend peu quand on sait qu’adolescente, cette cheffe multi-primée se rêvait styliste. Mais un déménagement en décidera autrement : « Lorsque j’avais une quinzaine d’années, ma famille et moi avons quitté le Condroz pour nous installer à Han-sur-Lesse. La mort dans l’âme, j’ai alors  tourné le dos à une école où j’apprenais la couture et le dessin. »

Ne trouvant pas de formation équivalente dans sa  région d’adoption, Arabelle Meirlaen s’oriente vers une section hôtelière. Sans grande conviction… : «Ma mère m’a encouragée à me lancer dans cette voie. J’ai longtemps été réticente avant de me prendre au jeu lors de mes stages.» Aussi étonnant que cela puisse paraitre, la cuisine n’éveille alors aucun  frisson chez notre apprentie : «J’aimais davantage le service en salle et l’organisation d’évènements.» Un créneau dans lequel elle va d’ailleurs s’engouffrer dès ses 18 ans, en rejoignant les rangs d’un traiteur. «Une expérience enrichissante qui m’a, notamment, valu de piloter le restaurant du Val Saint-Lambert et de mettre sur pied des menus gastronomiques pour plus de 1.000 convives au Standard de Liège.»

Au bout de 10 années menées tambour battant, Arabelle Meirlaen sent poindre l’envie de voler de ses propres ailes. Elle jette alors son dévolu sur un restaurant à remettre sur la Grand-Place de Huy, Li Cwerneu. « Le dossier de reprise était complexe mais je voulais cet établissement coûte que coûte.» Une détermination payante.  Proposant une cuisine du terroir, l’enseigne tourne bien. «Mais un jour, mon cuisinier a décidé de partir. Pour ne pas être contrainte de fermer, j’ai renoncé au service en salle pour officier derrière les fourneaux.» Les journées denses et stressantes se succèdent alors pour la jeune femme qui se nourrit essentiellement de pâtes. «Une alimentation déséquilibrée à laquelle mon corps a fini par dire stop. Victime d’un excès de gluten, je perdais le sens du goût, de la vue et de l’odorat.»

Désireuse de se mettre à l’écoute de son organisme, elle s’informe auprès d’une herboriste-thérapeute, consulte des ouvrages. «J’ai ainsi développé une nouvelle vision de la cuisine. Après l’avoir moi-même adoptée, j’ai décidé de la proposer à ma clientèle.» Ainsi est née une cuisine différente, faisant la part belle aux végétaux, qui n’allait pas tarder à faire sa renommée.

Arabelle -  Assiette 1Aux côtés de son compagnon et partenaire professionnel, le sommelier Pierre Thirifays, Arabelle Meirlaen gravit les échelons de la gastronomie. Les cotes au Gault & Millau s’envolent, les distinctions se multiplient. Le tout rehaussé d’une étoile dans le Michelin. Le succès peut rapidement donner le tournis. Mais Arabelle Meirlaen a retenu les leçons du passé et veut préserver son équilibre retrouvé. C’est dans cette optique qu’en 2013, elle installe son restaurant dans sa maison familiale de Marchin pour être plus proche de ses filles.

Désormais animée par l’envie de partager, notre cheffe songe à développer des cours de cuisine médicinale, ouvrir une boutique spécialisée et dispenser des conseils aux écoles et hôpitaux en collaboration avec la faculté d’Agro-Bio Tech de Gembloux (ULg). Sa cuisine n’a pas fini de nous inspirer…

 

COUP DE GENIE
«La meilleure idée que j’ai prise est de ne plus me stresser et de, d’abord, m’écouter. Le restaurant que nous tenions sur la Grand-Place de Huy était une mine d’or mais il ne nous offrait plus de vie. Raison pour laquelle Pierre et moi n’avons pas hésité à le remettre pour inaugurer un nouvel espace au sein même de notre maison familiale. Lorsque nous travaillons le soir, nos filles savent que nous sommes juste à l’étage en dessous d’elles. Nous avons parallèlement fait le choix de réduire le nombre de jours d’ouverture. Désormais, chacun est bien dans sa peau au sein de notre famille. Cette harmonie et cet équilibre sont nécessaires pour que je puisse pleinement m’exprimer en cuisine.»

 

ARABELLE MEIRLAEN 2

Arabelle aux côtés de son compagnon et associé, Pierre Thirifays, élu en 2014 Meilleur sommelier de Belgique par le Gault & Millau.

COUP DE CŒUR
«J’en ai plusieurs. Je pense bien évidemment à mon compagnon : il me supporte et je le supporte (rires). J’ai également une admiration profonde pour mon père. Evoluant dans le secteur agricole, il n’a pas été épargné par les soucis professionnels. Pour autant, il ne nous a jamais montré son énervement. Il a toujours avancé courageusement. Il m’a donné un bel exemple de vie. Je songe aussi à Jean-Pierre Gabriel, journaliste au Vif L’Express, qui fut l’un des premiers à mettre mon travail en lumière. Enfin, même si c’est plus anecdotique, je remercie mon chat dont les ronronnements ont été un excellent anti-stress durant certaines périodes de ma vie.»

COUP DE GUEULE
«Je ne vous étonnerai pas en vous disant que le poids des  charges sociales est particulièrement lourd à supporter dans l’horeca. Cela freine inévitablement certaines envies d’engagement. Désormais, nous préférons ainsi nous tourner vers l’intérim pour combler nos effectifs. Parallèlement, je trouve le système de boite noire instauré pour lutter contre le travail au noir peu pertinent. Nous avons été contraints de l’installer alors que personne ne paie en liquide dans notre établissement. En revanche, les frais d’installation étaient loin d’être minimes…»

 BIO EXPRESS

  • Née le 20 novembre 1971 à Huy
  • 1986 : rejoint la section hôtelière de l’Institut de la Providence de Ciney avant de persévérer dans cette voie à l’école d’hôtellerie de Libramont.
  • 1989 : intègre l’équipe d’un traiteur officiant, notamment, au Val Saint-Lambert et au Standard de Liège
  • 1999 : fait l’acquisition de son premier restaurant, Li Cwerneu, situé sur la Grand-Place de Huy
  • 2006 : fait une entrée retentissante dans le Gault & Millau avec une note de 15/20
  • 2010 : décroche une étoile au Guide Michelin  et le prix des meilleurs desserts dans le Gault & Millau
  • 2013 : tandis qu’elle grimpe à 18/20 chez Gault & Millau, son compagnon et associé, Pierre Thirifays, est élu Meilleur sommelier par le célèbre guide
  • 2013 : quitte le centre hutois pour établir son restaurant dans sa maison familiale de Marchin
  • 2014 : est élue « chef de l’année » par Gault & Millau et reçoit la distinction de « Chevalier du Mérite wallon »
  • Mère de deux petites filles (Mia et Ella)

DU TAC AU TAC

  • Quelle est votre plus grande qualité ?
    Je me vois comme une personne courageuse, animée d’une saine ambition.  J’ai également un tempérament très entier.  Il m’est impossible de jouer les hypocrites. Mais peut-être devrais-je apprendre à parfois me taire…
  • Votre plus gros défaut ?
    Je ne prends pas suffisamment de temps pour m’occuper de moi.
  •  Votre devise ?
    J’imagine ma cuisine comme la vie : belle, goûteuse, croustillante, pleine d’amour et d’émotions. Quand on met cela en pratique, on est heureux tous les jours.
  • Si c’était à refaire…
    Plus jeune, j’ai longtemps pensé que j’aurais dû persévérer dans la voie du stylisme plutôt que de me tourner vers la cuisine. Aujourd’hui, mon regard a changé. J’ai accompli ce qui devait être mon parcours.

 LA CUISINE D’ARABELLE MEIRLAEN, C’EST :

  • Une cuisine intuitive ne reposant pas sur des savoirs enseignés dans des manuels mais sur l’écoute de son corps, des saisons et de la vie. Bref, une cuisine de bon sens telle qu’elle était pratiquée autrefois.
  • Des créations inspirées par le jardin de 3.000 m² jouxtant son restaurant,  dans lequel elle cultive et récolte plantes, fleurs et aromates.
  • Des mets légers, sains et vitaminés.
  • Des impasses faites sur le gluten, le lait, la crème et le sucre raffiné.
 
Arabelle Meirlaen : Chemin de Bertrandfontaine n° 7 à 4570 Marchin-  Tel : 085/25.55.55  – www.arabelle.be
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Rédactrice en chef (Liège-Namur)
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