Wallonie

Les Douanes et Accises : une administration lucrative

7 Minute(s) de lecture

Voici quelques mois, Kristian Vanderwaeren devenait Administrateur général des Douanes et Accises. Entre Brexit et menace terroriste, son administration aura connu une année mouvementée. Mais 2016 aura également été marquée par le nouveau code de l’Union européenne en matière de douanes. Un code appelé à faciliter la vie des entreprises.

Un petit mot, tout d’abord, de présentation de votre administration
K.V. :
« L’Administration générale des Douanes et Accises (AGD&A) dépend du SPF Finances et compte 3.440 ETP, soit environ 3.600 collaborateurs. Cela représente 16 % de l’effectif total de l’administration des finances. Avant la suppression des frontières intérieures au sein de l’Union européenne, les douanes et accises occupaient 8.000 personnes. L’administration est divisée en sept régions : Bruxelles, Mons, Liège, Hasselt, Louvain, Anvers et Gand. Ceux deux dernières représentent un tiers du personnel et cela s’explique par la présence de deux grands ports, Zeebrugge et surtout Anvers, évidemment. Liège et Mons ont dans leurs juridictions les aéroports de Bierset et de Gosselies. Et puis, n’oublions pas les accises ! C’est ce qui explique, par exemple, l’existence d’un bureau régional important à Louvain, dont dépend d’ailleurs aussi l’aéroport national de Zaventem.»

10 % des recettes fiscales

3.600 personnes et sept régions qui rapportent gros à l’État…
K.V. :
«Les droits de douane, tant à l’importation qu’à l’exportation, rapportent 2,4 milliards €, la TVA, 1,3 milliard et les accises, un peu plus de 7 milliards. Au total, cela fait près de 11 milliards, soit plus de 10 % des rentrées fiscales de l’État, qui s’élèvent à 104 milliards.»

Votre rôle a évolué puisque, comme vous l’avez rappelé, il n’y a plus de contrôle aux frontières
K.V. :
« En ce qui concerne les accises et la TVA, rien n’a changé. Par contre, pour les douanes, en effet, notre rôle se concentre principalement sur les frontières extérieures, c’est-à-dire les trois grands ports et  les cinq aéroports mais il y a aussi la « douane volante » qui existe toujours et qui contrôle, par exemple, les horaires des chauffeurs de camion. En tout, les douanes, ce sont 79 réglementations différentes ! »

Lutte contre le terrorisme

Et puis, maintenant, il y a la lutte contre le terrorisme…
K.V. :
« Oui, et cela a modifié notre modus operandi. Pas moins de 160 personnes, tous des agents armés, ont été affectées au contrôle de 13 points situés aux frontières avec les Pays-Bas, l’Allemagne et la France. La lutte contre le terrorisme est évidemment devenue une priorité. Cela nous amène aussi à vérifier le financement d’activités terroristes liées à la grande criminalité. Je pense, par exemple, à la saisie, récemment, d’une pièce archéologique provenant d’un temple syrien. Ces agents présents aux frontières ne peuvent plus effectuer leur travail habituel mais, heureusement, l’impact sur les recettes n’est pas important, jusqu’à présent. »

Le terrorisme et la sécurité ont une influence sur le travail des douanes, notamment les contrôles à l’exportation.
K.V. :
« Il y a toujours eu des contrôles à l’exportation car un des rôles des douanes est de vérifier les produits qui peuvent être exportés. Je pense aux déchets, à la drogue, à la falsification de certains produits pétroliers, à l’embargo sur les marchandises vers des pays déterminés. Il y a aussi le trafic des contrefaçons contre lequel nous avons mis sur pied une équipe spécialisée qui passe au crible les sites internet où sont proposés de faux articles de marque. Avec le SPF économie, nous avons bloqué récemment 411 sites web qui proposaient des articles issus de la contrefaçon. Nous disposons d’une équipe spécialisée dans la surveillance des sites web, l’équipe Cybersquad.  Depuis la montée du terrorisme, au port d’Anvers, nous pouvons aussi compter sur le renfort de douaniers américains pour, notamment, contrôler les containers en partance vers les Etats-Unis. Un même type de renfort sera bientôt mis en place à l’aéroport de Zaventem.»

A ce propos, l’année 2016 s’annonce comme une année record pour la saisie de cocaïne.
K.V. :
« Nos avons en effet réussi quatre prises très importantes au port d’Anvers, en juin, juillet et août, de 580, 732, 605 et 1.731 kg de cocaïne dissimulés dans des sacs de sport placés dans des chargements de containers tout à fait légaux. En 2016, après huit mois, nous en sommes déjà à près de 22 tonnes contre 15 pour l’ensemble de l’année 2015. »

Le poids du Royaume-Uni, une perte pour l’Europe

Un autre événement risque d’avoir une influence sur le travail des douanes, c’est le Brexit…
K.V. :
« D’après les premiers contacts que nous avons eus à Anvers et surtout à Zeebrugge, les sociétés établies sur place pensent que cela n’aura pas un grand impact sur le trafic maritime. Par contre, pour le service des douanes, cela va entraîner un surcroît de travail car 40 à 50 % des marchandises venant du Royaume-Uni étaient dédouanées outre-Manche. Ce ne sera plus le cas. Il va donc falloir procéder à un glissement de personnel dans les deux régions concernées, Anvers et Gand. D’une façon générale, pour les sociétés qui font du commerce avec le Royaume-Uni, il y aura certainement des formalités supplémentaires. Mais, ce qui, personnellement, m’inquiète le plus, c’est que les Britanniques ne seront plus à la table des réunions européennes. Je m’explique. Dans l’Union européenne, il y a cinq pays pour lesquels le commerce international est réellement très important : l’Allemagne, le Belgique, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Les Britanniques sont très « tournés business » et bien organisés. Dans les réunions intra-européennes, c’était important pour un pays de transit comme la Belgique de pouvoir compter sur l’expertise britannique. C’était très utile aussi dans les négociations commerciales au niveau international. Sans la présence du Royaume-Uni, le poids européen sera moindre car les autres pays, notamment ceux de l’Est européen, n’ont pas les mêmes préoccupations. »

Sur le plan international, il y a aussi le traité transatlantique qui semble avoir du plomb dans l’aile…
K.V. :
« Les négociations pour ce traité relèvent du Ministère des Affaires étrangères, je ne vais donc pas me prononcer sur l’état et l’avenir des discussions actuelles. A titre personnel, je pars du principe que le développement du commerce international est positif pour l’économie en général. Nous avons besoin d’une économie mondiale efficace. Or, aujourd’hui, le discours change et cela m’inquiète. Le discours anti-international me semble dangereux car on risque d’en revenir à une politique protectionniste. C’est le discours de Donald Trump, mais même du côté de certains démocrates américains, la réflexion va dans ce sens. Une grande zone de libre-échange de part et d’autre de l’Atlantique devrait rendre plus facile le commerce entre l’Europe et l’Amérique du Nord mais, apparemment, ce n’est pas encore pour tout de suite.»

Faciliter la vie des chefs d’entreprise

Par contre, le nouveau code de l’Union européenne en matière de douanes, qui est entré en vigueur le 1er mai dernier, devrait faciliter la tâche des entreprises.
K.V. :
« Incontestablement. Il y a des modifications révolutionnaires, en premier lieu la digitalisation des opérations. Il y a aussi une simplification des formalités. Par exemple, une société, qui a son siège principal en Belgique mais qui compte des filiales dans plusieurs pays européens, pourra centraliser ses demandes d’autorisation d’importation et d’exportation en Belgique, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent, chaque filiale devant demander ses propres autorisations. Cela simplifiera les formalités et permettra une centralisation des services administratifs. En outre, un portail internet unique sera mis en place qui permettrait pour les sociétés de faire toutes les déclarations et les demandes d’autorisation d’importation et d’exportation par ce biais. La philosophie du nouveau code est vraiment de faciliter les échanges commerciaux.»

Il y a, semble-t-il, au niveau de l’administration, une volonté de dialogue avec les entreprises.
K.V. :
« Tout à fait. Nous avons créé le forum national, où les entreprises, en particulier les PME, peuvent faire part de leurs problèmes, de leurs besoins et formuler des suggestions. Plusieurs groupes de travail ont été constitués et les contacts sont réguliers. Ces réunions ont lieu à Bruxelles mais ma volonté, c’est d’aller vers les entreprises et d’organiser aussi ces réunions dans les différentes régions. »

C’était aussi le sens des rencontres organisées, fin juin, en collaboration avec six chambres de commerce.
K.V. :
« Oui. Il faut savoir que l’administration belge des douanes compte cinq agents à l’étranger, dont le rôle est d’aider les entreprises à exporter. Ces attachés sont basés dans des pays stratégiques, à savoir l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie. Un projet est en cours pour établir une présence dans un pays du Moyen-Orient. Avec six chambres de commerce et d’industrie, nous avons en effet organisé trois jours de rencontres avec ces agents au cours desquels les entreprises pouvaient venir poser des questions et obtenir toutes les informations sur les conditions d’exportation vers ces pays. Cette expérience sera renouvelée car la volonté de l’administration est de faire le maximum pour faciliter la tâche des entreprises et les encourager à exporter. »

KRISTIAN VANDERWAEREN (2)Bio express

  • Né à Tirlemont, en 1964
  • Diplômes : Licencié en Sciences de la Communication à la VUB, détenteur d’un diplôme en droit international et européen et en sciences fiscales, diplômé du Collège de l’Europe, master en droit de l’environnement
  • 1988-1989 : service de presse du Parlement européen
  • 1989-1995 : Responsable de l’information européenne au VOKA
  • 1995- 2006 : Directeur impôts indirects chez Ernst & Young
  • 2006-2014  : Business unit director chez Wolters-Kluwer Belgium
  • 2014-2015: Partner tax & legal chez Moore-Stephens Belgium
  • 2016 : Administrateur général des Douanes et Accises
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