Liège-Verviers

Benoit Granier (Unisensor) : explorateur du vivant

6 Minute(s) de lecture

Biochimiste de formation, Benoit Granier a su traduire sa passion pour le vivant en réussite entrepreneuriale. Une aventure scientifique haletante, ponctuée d’innovations constantes. A l’heure où son entreprise célèbre ses 20 ans, cet entrepreneur à la force tranquille nous relate son parcours.

CCIMAG_UNISENSOR-HD-4898Difficile à croire à la lecture de son curriculum vitae. Et pourtant ! Adolescent, Benoit Granier a davantage occupé le fond de la classe que le premier rang.
Contre toutes attentes, un intérêt grandissant pour les sciences de la vie lui donnera finalement envie d’emprunter le chemin de l’université. Un revirement qui, à l’époque, laissa son père sceptique : «Pour mesurer ma motivation, il m’a demandé de réussir l’examen d’admission aux études d’ingénieur (rires). En remplissant ce contrat, j’ai gagné le droit de m’inscrire dans la faculté de mon choix. C’est ainsi qu’en 1980, j’ai pris la route de Louvain-la-Neuve pour entamer des candis en biologie.»
Deux années plus tard, sur les conseils d’un de ses professeurs, Benoit Granier décide de poursuivre son cursus à Liège où une section de biochimie vient de voir le jour. «Une excellente recommandation qui m’a permis d’accomplir mon mémoire au sein du futur Centre d’Ingénierie des Protéines. J’ai eu la chance d’y côtoyer des professeurs de renom : Jean-Marie Ghuysen – détenteur du prestigieux prix Einstein – et Jean-Marie Frère.»
Au sein des labos de l’université, Benoit Granier entame, ensuite, un doctorat. Un environnement enrichissant qui éveille, cependant, un goût de trop peu : «La recherche fondamentale me frustrait. J’avais davantage besoin d’objectifs pratiques.»  Une exigence de concret qui pousse ce Carolorégien d’origine, à créer le bureau d’études Bio-Argos aux côtés de 3 autres scientifiques. «En accord avec l’ULg, nous valorisions des résultats non exploités de la recherche universitaire pour le compte de différents clients.»
Au cœur des années 90, l’équipe de chercheurs de l’ULg identifie une nouvelle protéine ayant des propriétés exceptionnelles de fixation des antibiotiques. «Partant de celle-ci, nous avons élaboré, dans le cadre de travaux financés par UCB, un test de détection des résidus d’antibiotiques dans le lait. A la manière d’un test de grossesse, il suffisait d’immerger la tigette dans le lait pour obtenir le résultat.»  Convaincu du potentiel de ce kit de diagnostic, Benoit Granier entend créer une entreprise pour le produire et le commercialiser. «A ma grande surprise, ni l’ULg, ni UCB n’ont souhaité s’associer au projet.  C’est donc sur fonds propres que j’ai créé, quelques mois plus tard, la SA Unisensor.»
Les débuts sont prometteurs. Mais en 2001, le ciel de l’entreprise s’assombrit lorsque son principal client – UCB – manifeste son envie de la racheter et de la délocaliser en Espagne. Un scénario inenvisageable pour notre entrepreneur : «UCB avait beau détenir le brevet de notre produit phare, je considérais qu’Unisensor était une aventure liégeoise et qu’elle devait le rester !»
S’engage alors un difficile bras de fer. UCB finira par revendre le produit à une société américaine qui, à son tour, entrera en conflit avec la firme liégeoise, avant qu’un  accord à l’amiable ne soit trouvé. Un épisode éprouvant pour la PME qui ne va  toutefois pas refreiner son envie d’innover. Sortie des tracas, elle s’investit dans un créneau laissé vacant : les tests multiples. Permettant la détection simultanée de plusieurs antibiotiques, ces outils de diagnostic vont immédiatement rencontrer l’adhésion du marché. Un succès sonnant comme une seconde naissance.
Forte de ce pari réussi, Unisensor flirte depuis lors avec la croissance. Benoit Granier a, entre temps, rangé son tablier de chercheur pour endosser le rôle de coordinateur. Garant de la vision et de la philosophie d’Unisensor, cet ancien rugbyman amateur pilote son entreprise avec des valeurs chères à son sport de prédilection : respect, esprit d’équipe, goût de l’effort et intelligence tactique.

BIO EXPRESS

  • Né le 13 juillet 1960 à Charleroi
  • 1980 : débute des études en Sciences biologiques à l’UCL
  • 1982 : poursuit sa formation à l’ULg en s’orientant vers la biochimie
  • 1984 : entame une thèse de doctorat relative à la détection d’antibiotiques dans le lait
  • 1992 : fonde le bureau d’études Bio-Argos
  • 1997 : crée la SA Unisensor sans l’intervention d’aucun organisme financier
  • 2005 : apporte un nouvel élan à Unisensor en développant le Twinsensor, un test 2 en 1 capable de détecter simultanément les pénicillines et les tétracyclines
  • 2017 : inaugurera, d’ici la fin de l’année, le nouveau siège social d’Unisensor tout en se lançant dans la commercialisation d’Extenso, une solution innovante pour détecter, en une fois, tous les résidus d’antibiotiques et de toxines dans le lait
  • Marié à Karine Goraj, Director chez GlaxoSmithKline Vaccines, père de 2 filles (l’une s’est tournée vers les sciences humaines et sociales, l’autre vers la kinésithérapie)
  • Amateur de rugby, il a évolué en 2ème ligne sous les couleurs du RFCL Rugby Liège dont il est encore administrateur.

COUP DE GENIE
«Thomas Edison disait : “Le génie c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration”. Je partage totalement cette vision. Nous avons tous du génie. Mais le génie seul n’est pas un facteur de réussite. C’est la manière dont nous allons utiliser une idée qui va lui donner de la valeur. L’énergie que nous allons y injecter pour la concrétiser.
Chez Unisensor, notre inspiration a été de nous diriger vers des tests multiples permettant de détecter, de manière simultanée, plusieurs composés en une seule analyse simple et rapide. Nos concurrents nous soutenaient que nous allions perdre de l’argent en nous engageant dans cette voie. Mais nous avions la conviction que ce type de produits correspondrait aux attentes des acteurs du secteur agro-alimentaire. La suite nous a donné raison.»

COUP DE CŒUR
«Je pense à toutes les personnes qui nous ont fait confiance à une époque où l’entreprise en avait besoin. Ce fut, notamment, le cas du responsable qualité du groupe Nestlé qui fut le premier à acheter nos produits. J’ai également en mémoire notre premier gros distributeur qui nous a commandé 1.000 boites de 100 tests pour le marché turc. Une commande pharaonique pour nos capacités de production d’alors.»

COUP DE GUEULE
«Je suis très reconnaissant envers l’ULg de la qualité de la formation qui m’a été dispensée. J’ai toutefois le sentiment que le corps académique ne met pas tout en œuvre pour détecter ou à tout le moins encourager, parmi ses étudiants, ceux qui ont la fibre entrepreneuriale. Les premiers de classe ne sont pas nécessairement les entrepreneurs de demain. Mon épouse a coutume de dire que pour être entrepreneur, il faut un juste équilibre entre les “3 C” : Cerveau, Cœur et Couilles. L’université a peut-être tendance à focaliser son attention sur le premier C.»

DU TAC AU TAC

Quelle est votre plus grande qualité ?
Je pense être un dirigeant assez créatif. Cela peut être déroutant pour mes collaborateurs qui ont le sentiment que je change souvent d’avis. Mais cet état d’esprit nous permet également d’inventer en permanence le futur de l’entreprise. Indépendamment de la sphère professionnelle, je suis d’un naturel plutôt conciliant. J’essaie toujours d’aboutir à la solution qui satisfera le plus grand monde.

Votre plus gros défaut ?
Je peux me montrer entêté, voire obstiné. Fort heureusement, je n’ai pas peur de reconnaître mes torts quand j’ai fait fausse route.

Une devise ?
«Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin.» Pilotant une société de 53 collaborateurs, je prends chaque jour la mesure de cette citation.

Si c’était à refaire…
J’emprunterais la même voie à une différence près : je m’associerais à quelqu’un qui m’apporte une complémentarité. Il n’est pas toujours facile de vivre avec la solitude du chef d’entreprise. J’aurais aimé partager cette aventure avec un associé pour relativiser certaines difficultés.

 Unisensor, c’est :

  • Une entreprise spécialisée dans le développement et la fabrication d’outils de diagnostic destinés à analyser la qualité des denrées alimentaires. Les kits conçus par Unisensor permettent, notamment, de déceler la présence d’antibiotiques ou de toxines dans le lait, les céréales, le miel, la viande, les produits de la mer et l’alimentation animale
  • 20 années d’existence
  • 53 collaborateurs
  • Une gamme de produits composée d’une quarantaine de tests
  • 1 million de tests de diagnostic fabriqué chaque mois
  • Des produits commercialisés dans une cinquantaine de pays à travers le monde

 Unisensor : Allée de la Cense Rouge n°98 à 4102 Ougrée – Tel : 04/252.66.02 – info@unisensor.bewww.unisensor.be

363 posts

À propos de l’auteur
Rédactrice en chef (Liège-Namur)
Articles
Vous pourriez aussi aimer
Liège-Verviers

AMOS et HITEC unis pour innover dans les technologies de communication optique par satellite

1 Minute(s) de lecture
L’entreprise liégeoise AMOS, qui vient d’entrer dans le giron d’Aerospacelab, et la société HITEC Luxembourg ont récemment conclu un protocole d’accord pour…
Liège-Verviers

La biotech liégeoise ambitionne d’atteindre 700 collaborateurs en 2030

1 Minute(s) de lecture
Des ventes record en 2023, un nouveau bâtiment de 5.000 m², le recrutement de 250 collaborateurs depuis 2020,… : la société liégeoise Trasis,…
Liège-Verviers

Newelec s’offre de nouvelles installations pour ses 40 ans

3 Minute(s) de lecture
Voilà une entreprise liégeoise qui ne manque pas d’ambitions ! Newelec, société spécialisée dans le domaine de l’électronique industrielle, a inauguré hier soir…