Hainaut

Benoît Deper, CEO d’Aerospacelab, un jeune entrepreneur dans les étoiles

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INTERVIEW de Benoît Deper – Propos recueillis par Tatiana Hamaide

Comment êtes-vous arrivé à la tête d’Aerospacelab, quel est votre parcours ?

Originaire de Jumet, j’entame à 18 ans des études d’ingénieur civil à l’UCLouvain. Entre mon master 1 et master 2, je pars faire un stage à la NASA. J’effectue ensuite un master complémentaire à Toulouse (SUPAERO, l’une des plus grandes écoles de l’aéronautique et de l’espace en Europe). Je retourne une seconde fois à la NASA et le labo, où j’exerce mon stage, devient une spin-off, ce qui me donne l’occasion de voir de près ce qu’est l’entrepreneuriat.

De retour en Europe, je fais un bref passage à l’agence spatiale européenne aux Pays-Bas, avant de rejoindre une nouvelle société (de véhicules hypersoniques) en Suisse en tant que 1er employé. Après avoir travaillé 4 ans dans cette société, celle-ci ferme et, à 30 ans, je me retrouve en phase de questionnement :  que faire à présent? Plusieurs experts du business m’expliquent avoir challengé le marché du satellite et me déconseillent de lancer une boîte dans l’aérospatial ! À juste titre, le marché est tout petit, cher et les barrières technologiques à l’entrée sont conséquentes… En bref, ce n’est pas le secteur le plus simple pour enfiler la casquette d’entrepreneur ! Après coup, je pense que ce n’est pas plus difficile que d’autres secteurs, par contre, c’est sensiblement différent.

Une fois ce constat réalisé, je suis reparti en Suisse et c’est à Genève que le bureau de l’AWEX m’a persuadé que créer ma boîte de satellites en Belgique, en Wallonie, était une option à sérieusement envisager. De fait, la Wallonie propose la meilleure composition de valeurs et cela, je pense, qu’on ne le dit pas assez ! L’idée bien en tête, je suis retourné en Belgique début 2017. Le temps d’établir un business plan, de réaliser une première levée de fonds, de passer chez le notaire, etc.,  Aerospacelab voyait le jour à Louvain-la-Neuve, avec l’arrivée de ses premiers employés en mars 2018.

Avec une production de satellites qui ne cesse d’accélérer, Aerospacelab c’est aujourd’hui, 200 personnes qui travaillent sur nos différents sites, à savoir, notre siège social et usine de production à Louvain-la-Neuve mais aussi dans nos filiales suisse (Lausanne), française (Bordeaux) et nord-américaine (Palo Alto).

Projet Megafactory à Marcinelle : où en est-on actuellement ?

Après les premières ébauches de concept architectural du bâtiment, les premières phases (permis et autorisations) se sont rapidement mises en marche. Aujourd’hui, on prend le temps de réétudier certains aspects du bâtiment afin d’assurer qu’ils répondent au mieux aux évolutions de nos besoins et ceux de nos clients. En attendant, notre présence dans le bassin carolo est déjà bien ancrée par le biais d’un bureau au sein du centre multidisciplinaire A6K. La construction restant ce qu’elle est, le génie civil prendra du temps, mais on reste sur des délais raisonnables, avec des parties du bâtiment qui seront plus vite opérationnelles que d’autres.

Côté recrutement et formation, l’ouverture de cette méga-usine nécessitera d’embaucher du personnel avec une variété de profils, parmi lesquels de nombreux profils techniques qui pourront, par exemple, être créés au travers des dispositifs d’alternance. Le fait est que dans les formations qui sortent, on ne voit pas ces profils prêts à l’emploi chez nous. Par ex. un technicien d’assemblage de satellites. On a créé des binômes de techniciens – issus de formation courte telle que l’électromécanique, par exemple – avec des ingénieurs qui ont conçu les satellites. Ces ingénieurs font monter en autonomie ces techniciens et leur transfèrent la charge d’assembler.  On fonctionne comme cela sur 2-3 aspects de fabrication à LLN et cela se passe très bien ! L’idée est de continuer à recruter des talents à l’international, mais aussi en Belgique où ceux-ci sont nombreux.

Pour notre futur site de Marcinelle, on vise toujours une production de 500 satellites par an (à LLN, on est à 24 satellites par an). Deux infrastructures pour lesquelles le challenge reste pour nous d’offrir de la personnalisation rapide et pas chère, basée sur des produits standards. Par exemple, cette personnalisation peut passer par la forme du satellite, variable selon le type de télescope dont dispose le client, ou encore par la taille et l’orientation des panneaux solaires qui peuvent changer en fonction de l’orbite visée par le client.

Quel est l’avenir du secteur ?

L’avenir de ce secteur est assez explosif. Il y a énormément de satellites qui sont lancés chaque année. Chaque fusée emporte à son bord des satellites de toutes tailles, issus de divers clients… Un vrai carpooling circule dans le ciel ! De 10-15 lancements de fusées dans le monde entier, on est passé aujourd’hui à 110 fusées/an (juste pour SpaceX) et une capacité qui sera normalement doublée l’an prochain. Chez Aerospacelab, les satellites conçus, développés et testés à Louvain-la-Neuve sont de taille moyenne, soit l’équivalent d’un frigo américain. En constante évolution, le marché tend à aller vers une taille moyennement supérieure, soit celle d’une petite voiture, voire d’un mini-bus.

Chez Aerospacelab, les satellites qui constituent notre propre constellation sont principalement destinés à observer la Terre, ce qui permet des applications dans une série d’industries telle que l’agriculture, la sécurité-défense, les mines-énergies, la logistique, etc. En parallèle, pour répondre à nos besoins en matière de navigation, internet, positionnement, etc., des dizaines de milliers de satellites seront simultanément actifs en orbite basse à l’avenir.

On peut évidemment se demander si tout cela est bien sain pour notre ciel ? Aerospacelab fait partie de groupes de travail avec des agences plus importantes qui se penchent sur la gestion et la surveillance du trafic spatial. Nos satellites se conforment aux réglementations strictes actuellement en vigueur. Avec une durée de vie de 5 ans, ils ont été conçu pour se désorbiter naturellement à la fin de leur vie. Ils disposent en outre d’un système de propulsion pour la désorbitation active, l’évitement des collisions et les manœuvres.


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