Liège-Verviers

Du lin wallon dans le dollar américain

3 Minute(s) de lecture

La famille Marchandisse est dans l’agriculture depuis 6 générations. Il y a 10 ans, Paul-Albert et ses fils font prendre à leur entreprise agricole un nouveau virage : ils se lancent dans le lin. Seule PME spécialisée dans le travail du lin en Wallonie, Teillage Marchandisse & fils exporte la majorité de sa production en Chine.

Marchandisseetfils_R

Paul-Albert Marchandisse entouré de ses deux fils, Thibault (à g.) et Gilles (à d.)

Sur les 81.300 hectares de lin cultivés en Europe, 10.000 à 15.000 le sont en Belgique, dont 2/3 en Wallonie. Si les cultures sont dans le sud, la technique, elle est historiquement maîtrisée au nord du pays. Depuis des siècles, la Flandre est renommée pour son textile et le lin y occupe un rôle de premier plan. Les industries linières fleurissent sur les rives de la Lys, dans la région de Courtrai et, avec l’essor industriel, le lin belge conquiert le monde. Tout ce qui est cultivé sur les terres wallonnes est donc acheminé et transformé en Flandre avant d’être exporté en Chine, où se trouve la plupart des filatures textiles.

Étrangement, il n’y a donc jamais eu d’entreprise de transformation du lin en Wallonie, alors que les Wallons en sont les principaux producteurs. Jusqu’en 2002, du moins. C’est à cette époque qu’un entrepreneur agricole, Paul-Albert Marchandisse, a l’idée d’implanter ce savoir-faire à Villers-le-Bouillet. « Soucieux de pérenniser l’entreprise familiale, mais conscient que l’exploitation ne pourrait suffire à faire vivre mes deux fils, l’opportunité du lin s’est dessinée petit à petit. Nous cultivions du lin depuis de nombreuses années pour les Flandriens. L’idée de teiller le lin nous-mêmes, c’est-à-dire d’en extraire la fibre, est un rêve de jeunesse que j’ai osé réaliser », explique cet entrepreneur de 60 ans.

 Un pari entrepreneurial familial
En 2004, il cesse donc l’élevage et la culture betteravière pour se réorienter totalement dans ce secteur risqué mais prometteur. Avec ses fils, ils se forment, visitent des usines, tissent un réseau. Ils investissent 3 millions € pour construire une usine de teillage du lin à Villers-le-Bouillet. « Les débuts furent loin d’être évidents, crise du lin oblige. En 2006, année de la mise en marche de la ligne de production, nous avons très peu vendu », confie-t-il humblement. Mais une approche innovante et une bonne dose de ténacité ont permis aux Marchandisse de se faire une place de choix dans ce secteur traditionnellement dominé par les Flamands.

Une approche innovante
De la frontière française à Liège, l’entreprise exploite aujourd’hui 800 à 1.000 hectares de lin. Ils louent 20 % de ces terres et travaillent en sous-traitants pour les autres. Près de 100 cultivateurs leur confient leur production de lin. « Nous le teillions pour eux, mais ils en restent propriétaires. Le revenu de ce teillage est plus avantageux que la simple location de parcelle. Une fois teillé, et donc inerte, le lin peut être stocké pendant des années. Ce qui permet aux cultivateurs d’attendre la conjoncture de marché la plus favorable », explique Gilles, l’un des fils. « Certes, le lin est une culture à haut risque, mais le mécanisme spéculatif qu’il permet change le rapport à la production. C’est ça, la valeur ajoutée du lin ».

Le lin est partout dans notre quotidien
En été, quand les champs de fleurs font place à des tapis de capsules dorées, le lin est arraché et étalé sur champ. Retourné une à deux fois, le lin active une réaction de moisissure sous l’action du soleil et de la pluie, qui permettra l’extraction ultérieure de la fibre. Cette opération s’appelle le rouissage. Enroulé en ballots, le lin est ensuite acheminé à l’usine Marchandisse où tout est pris en charge : broyage, teillage, conditionnement, …
De la graine à la poussière, absolument tout dans le lin est exploité. La filasse, la matière la plus noble du lin, sert à des fins textiles. La majorité de la production hesbignonne est exportée en Chine, pour approvisionner l’une des plus grandes filatures chinoises.
Mais il existe tout un tas d’autres dérivés du lin : les graines sont valorisées dans les huileries, le secteur pharmaceutique, l’alimentation animale.  L’écorce sert de combustible, de litière animale, de tapis végétal pour les parcs et jardins. La fibre courte se retrouve dans l’isolation de nos maisons et les tableaux de bord de nos voitures. Les composites à base de lin, de plus en plus utilisés car légers, se retrouvent dans nos vélos, casques, skis, et raquettes de tennis.
Et rien ne se perd puisque même la poussière de lin est utilisée pour assécher les boues de compost. «Pour la petite histoire, il y a un peu de lin wallon dans le composition du dollar américain », conclut Gilles, amusé, qui succèdera un jour à son père dans cette lignée d’entrepreneurs agricoles passionnés.  

 

 

4348 posts

À propos de l’auteur
Publication par communiqué de presse.
Articles
Vous pourriez aussi aimer
Liège-Verviers

L’ETA Jean Gielen mise sur la générosité pour un projet favorable au bien-être de ses collaborateurs

1 Minute(s) de lecture
L’Entreprise de Travail Adapté Jean Gielen (ETA), basée à Waremme, a récemment été sélectionnée pour un projet ‘LAPCAP48 with CBC’ centré sur…
Liège-Verviers

La chaîne Van der Valk compte un hôtel de plus, à Spa cette fois

2 Minute(s) de lecture
Voilà une nouveauté dans le secteur du tourisme : le Radisson Blu Spa Hotel devient le Van der Valk Spa Hotel. La célèbre…
Liège-Verviers

Plus de moyens pour renforcer la candidature en faveur du Télescope Einstein

1 Minute(s) de lecture
L’Euregio Meuse-Rhin, et donc la Wallonie en province de Liège, est en concurrence avec l’Italie pour accueillir le Télescope Einstein. Les deux…